L’Italie bannit Tiktok, Google menace l’Australie et Trump face à la Cour suprême de Facebook

  1. Google menace de fermer son moteur de recherche en Australie.

  2. La «Cour suprême» de Facebook va juger du sort de Trump.

  3. L’Italie bannit TikTok aux utilisateurs dont l’âge n’est pas garanti.


Google menace de fermer son moteur de recherche en Australie


Pourquoi?

Cet avertissement est le plus fort que Google ait jamais lancé à ce jour et résulte de la proposition du gouvernement australien visant à obliger l’entreprise américaine et son homologue Facebook à rémunérer les groupes de presse et éditeurs en échange de la diffusion d’articles.

Lors de son audition au sénat, la directrice générale de Google Australie, Melanie Silva, a qualifié le projet de loi «d’irréaliste et déraisonnable» tout en précisant que si le projet aboutit, Google n’aura d’autre choix que de cesser de fournir ses services de recherche en Australie.

De son côté, le Premier ministre australien Scott Morrisson estime qu’étant donné l’enrichissement de Google à travers ses renvois aux fournisseurs d’informations, il est logique que le moteur de recherche rémunère le journalisme qui en est la base.

Le projet de loi

Déjà mal en point, la crise de l’industrie de la presse a été exacerbée par la pandémie du coronavirus et de l’effondrement des revenus publicitaires qui s’en est suivie, contraignant de nombreux éditeurs à réduire leurs coûts et à suspendre l’impression de leurs éditions.

Cette volonté de régulation vise à corriger ce que ce texte décrit comme étant un «déséquilibre fondamental» dans le pouvoir de négociation entre Google, Facebook et les entreprises de médias traditionnels. Un rapport de la commission australienne de concurrence et des consommateurs (ACCC) a mis en évidence la domination des géants américains en Australie, signalant que pour chaque 100 dollars australiens dépensé en publicité en ligne, 47 dollars partent chez Google, Facebook en gagne 24 et seulement les 29 dollars restants se divisent entre les acteurs du marché australien.

C’est à cette même commission qu’il a été confié la mission d’élaborer un régime obligatoire de partage des revenus entre ces entreprises américaines et les groupes de presse locaux, les efforts pour parvenir à un accord volontaire n’évoluant que trop lentement.

Si elle est adoptée en l’état actuel, cette loi instaurerait un mécanisme d’arbitrage contraignant régulant les paiements, les clauses spécifiques en vue de protéger les éditeurs de toutes discriminations et imposerait aux plates-formes d’avertir tout changement d’algorithme. Plus fondamentalement, il incombera aux éditeurs d’entamer les négociations de paiement avec Google et Facebook. En cas d’échec, les éditeurs se verront attribuer la possibilité de saisir ce mécanisme d’arbitrage qui déterminera le montant de la rémunération.

un retentissement mondial?

La conséquence réelle de l’adoption d’une telle loi réside dans le précédent que celle-ci pourrait créer, à une période où les GAFAM sont surveillés de près en Europe et aux États-Unis.

D’autant plus qu’au printemps dernier en France, malgré la nouvelle directive européenne sur le droit d’auteur qui l’y obligeait, Google a refusé de payer les éditeurs européens pour le droit de diffuser leurs contenus sur son service Google News. À l’époque, le géant américain avait contourné cette obligation en affirmant qu’il limiterait les résultats des recherches aux gros titres et qu’aucune rémunération n’était alors due.

Si l’on rajoute à ces évènements les concessions récentes de Google par rapport à cette même directive et sa reconnaissance des droits voisins, il ne fait aucun doute qu’en cas de succès de la loi australienne, la pression européenne deviendra difficile à supporter pour le groupe californien.


La «Cour suprême» de Facebook va juger du sort de Trump


Facebook a renvoyé la décision de rétablir ou non le compte de l’ancien président américain Donald Trump devant son conseil de surveillance. Le 6 janvier dernier, le compte Facebook de Trump avait été suspendu indéfiniment après le siège du Capitole.

La composition de la cour

C’est en octobre 2020 que Facebook a annoncé le début d’activité de son très attendu organe décisionnel, composé de 20 membres issus du monde entier Parmi ces académiciens, journalistes ou figures politiques figurent notamment deux professionnels ayant été candidats à la Cour Suprême américaine, un yéménite lauréat du prix Nobel de la paix, le principal avocat colombien des droits de l’homme ainsi que l’ancienne première ministre danoise.

Bien qu’il puisse paraître surprenant qu’une telle responsabilité soit déléguée à un organisme indépendant, cet organe est le résultat de quatre années de critiques populaires incessantes à l’encontre de Mark Zuckerberg et de son apparent laxisme face à la montée de l’extrême-droite américaine, de la propagation des thèses complotistes ou encore de la censure arbitraire.

Après des réactions hasardeuses et plus que maladroites face à certaines polémiques, il est compréhensible que l’actuel directeur général de Facebook ait été attiré par l’idée de déléguer les sujets les plus brûlants à ces experts indépendants. Car, bien qu’ayant été fondée par le réseau social, la revendication principale de cette entité est son indépendance et assure ne pas être redevable envers Facebook et ses actionnaires.

Les premières décisions données


Force est de constater que, jusqu’à présent, les premières décisions rendues par le conseil de surveillance sont loin de soutenir les actions du réseau social. Sur les 5 affaires portées devant ce comité, 4 d’entre elles vont à l’encontre des décisions prises par Facebook.

Parmi ses décisions renversées, l’entreprise américaine est notamment blâmée pour la suppression d’un post critiquant l’échec des autorités locales françaises à utiliser l’hydroxychloroquine contre le COVID-19. Le contenu de ce post avait été supprimé par Facebook pour infraction à sa politique sur la désinformation et avait indiqué qu’il véhiculait un risque de conduire des personnes à ignorer les mesures sanitaires en vigueur et de s’automédicamenter.
Dans sa conclusion, le conseil de surveillance indique que l’utilisateur «s’opposait à une politique publique et cherchait à faire changer cette politique » et que le réseau social ne démontrait pas suffisamment que la « publication présentait un risque de danger imminent, comme l’exige sa propre règle dans les Standards de la communauté ».

Les autres décisions visaient notamment la suppression injustifiée de photos de seins lors d’une campagne contre le cancer, le fait qu’un contenu sur les musulmans était « offensant » et non « haineux » ou encore qu’un utilisateur eût le droit de citer le nazi Goebbels pour critiquer la politique de Donald Trump. Le réseau social dispose d’un délai allant jusqu’à 30 jours pour examiner et répondre aux décisions de l’organisme, tout en rappelant que les décisions de ce dernier sont contraignantes.

Les premières décisions données

Pour les nombreux détracteurs de cette initiative, le Conseil de surveillance n’est qu’une distraction par rapport aux véritables problèmes qui rongent le réseau social. Le célèbre Time Magazine dénonce 4 éléments qui empêchent l’organisme d’être considéré comme fondamentalement utile :

  • Sa mission : le conseil de surveillance est structuré de manière quasi juridique et rendra ses décisions sur base d’arguments légaux qui risquent d’être biaisés par le parti pris de Facebook et son interprétation extrêmement large de la liberté d’expression. Ainsi, si le premier amendement de la Constitution américaine est la principale prise en considération, le conseil rétablira sans aucun doute le compte de l’ancien président des États-Unis.

  • Son manque d’indépendance : une seule entité est capable de soumettre des cas au Conseil de surveillance – Facebook. De plus, les membres de cet organisme ont été choisis individuellement par le réseau social. Ces éléments peuvent donner l’apparence d’une surveillance, mais le processus reste tout de même contrôlé par la société américaine.

  • Sa structure : des milliers de posts problématiques sont postés tous les jours sur Facebook, dont une infime partie est traitée devant le Conseil de surveillance, avec un certain retard. Par sa structure, l’organisme est impuissant face à la désinformation constante et à la propagation de contenus douteux.

  • Son manque de légitimité : Les gouvernements nationaux ont failli à protéger leurs citoyens contre l’utilisation nocive de ce genre de technologie. Au contraire, certains dirigeants s’en sont servis pour gagner et consolider leurs pouvoirs. Cette « Cour suprême » a été créée pour traiter certains posts polémiques qui ont connu une exposition médiatique, et non pour régler les problèmes systémiques derrière Facebook.


Tout comme l’illustre le chantage de Google en Australie, cette volonté de créer un tribunal privé illustre une tendance grandissante chez les GAFAM : c’est à eux que devraient revenir la décision de la politique publique, et non plus aux gouvernements.

La seule solution durable réside dans la force des entités nationales à récupérer ce pouvoir qui leur a été usurpé. En attendant, il est tout à fait possible que les projets de certains géants tels que ce conseil de surveillance aient le temps de gagner l’approbation du public, ce qui rendrait la tâche des gouvernements d’autant plus difficile.

Si le sujet vous intéresse: The New Governors: The People, Rules, and Processes Governing Online Speech publié à la Harvard Law Review.
 


L’Italie bloque TikTok aux utilisateurs dont l’âge n’est pas garanti.

L’autorité italienne chargée de la protection (Garante per la Protezione dei Dati Personali) des données a ordonné à l’application de partage de vidéos TikTok de bloquer temporairement les comptes des utilisateurs «pour lesquels il n’y a pas de certitude absolue quant à l’âge et, par conséquent, au respect des dispositions liées à l’exigence de données personnelles». Cette demande fait suite à la mort accidentelle d’une fillette de 10 ans, asphyxiée en participant au défi du «jeu du foulard». TikTok a jusqu’au 15 février pour répondre à l’autorité italienne.

La vérification de l’âge

Avec plus de 800 millions d’utilisateurs actifs à travers le monde, dont 41% d’entre eux étant âgés de 16 à 24 ans, le succès de TikTok auprès des jeunes n’est plus à démontrer. En ce début d’année, soucieux de protéger ses utilisateurs plus jeunes, la plate-forme chinoise a introduit une limite d’âge fixée à 13 ans.
De plus, le réseau social bloque désormais certaines fonctionnalités pour les enfants âgés de 13 à 15 ans, rendant leurs comptes automatiquement privés. Toutefois, il est évident que ces mesures ont leurs limites, comme en témoigne le décès d’Antonella, âgée de seulement 10 ans, dont l’inscription n’a pas été refusée par l’entreprise.

Cependant, une vérification d’âge stricte est difficile à implémenter. L’autorité italienne ne s’attend pas à ce que TikTok exige des documents d’identités, ce qui risque « de créer une base de données de millions de personnes, y compris des enfants, dont l’adresse figure sur leur carte d’identité. Nous ne voulons pas d’un remède qui pourrait être pire que la maladie » précise, M. Scorza, membre de l’autorité italienne de protection des données. Ce dernier suggère que l’application de partage de vidéos pourrait estimer l’âge de ses utilisateurs en fonction du contenu qu’ils partagent, de leurs groupes d’amis ou de leurs interactions.

Tiktok dans le viseur italien

Le siège de la société chinoise en Europe se situant à Dublin, il relevait de la responsabilité du commissaire irlandais à la protection des données (DPC) d’appliquer la législation sur la protection de la vie privée. Cependant, la procédure d’urgence italienne se base une disposition expresse du règlement général sur la protection des données (article 66 du RGPD) – utilisée seulement pour la deuxième fois depuis l’institution du règlement européen en 2018 – lui permettant des prendre des mesures temporaires en cas de situations exceptionnelles, jusqu’au 15 février prochain. Ce n’est pas la première fois que TikTok se retrouve sous le feux des critiques en Italie.

En effet, la Garante italienne avait déjà entamé une procédure contre TikTok en décembre 2020, lui reprochant son «manque d’attention à la protection des mineurs, la facilité de contournement de l’interdiction de s’inscrire pour les plus petits et le manque de transparence et de clarté des informations données aux usagers, ainsi que des réglages prédéfinis ne respectant pas la vie privée».

«Si TikTok ne se conforme pas à nos injonctions, les sanctions prévues par le RGPD seront applicables» a tenu à rappeler le porte-parole de la Garante per la Protezione dei Dati Personali.

En cas de manquement aux injonctions de l’autorité italienne par TikTok, le DPC irlandais deviendrait l’agence de l’Union européenne chargée de mener l’enquête qui en résulterait. Et face aux géants de la Tech, l’autorité irlandaise semble beaucoup moins enthousiaste à l’idée de les punir que ses homologues italiens. En cas de non-respect de cette injonction, TikTok risque une amende jusqu’à 20 millions d’euros ou de 4% du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent.

De son côté, le parquet de Palerme a indiqué avoir ouvert une enquête pour «incitation au suicide».